Éric Gonzalez

« Nous espérons faire avancer à notre niveau les pratiques avancées des manipulateurs »

À l'approche des 43es journées d'études et de formation de l'AFTMN, qui auront lieu du 21 au 23 mars à Biarritz, Éric Gonzalez, président de l’association, a répondu à nos questions sur les grandes actualités et problématiques des manipulateurs dans le domaine de la médecine nucléaire.

Le 12/03/24 à 7:00, mise à jour le 14/03/24 à 9:26 Lecture 6 min.

« Même si la médecine nucléaire est un petit peu préservée de cette pénurie démographique, elle est quand même touchée » D. R.

Tech Imago / Quels grands sujets seront abordés lors de ces journées de l’Association française des techniciens en médecine nucléaire (AFTMN) ?

Éric Gonzalez / Pour la première session, nous parlerons de la radioprotection et de la réglementation. Cette année, le professeur Nicolas Foray, de l’INSERM, fera le point sur ce que la recherche apporte au niveau de la radioprotection, de la radiosensibilité et de la radiosusceptibilité. Le deuxième jour, une session sera dédiée aux actualités et aux innovations en médecine nucléaire. David Bourhis, radiophysicien au CHU de Brest (29) présentera un dispositif en TEP grand champ, un des derniers dispositifs sortis sur le marché. Nous aurons également des thématiques très variées, dont une présentation de Manuel Bréquigny, cadre de santé au centre de lutte contre le cancer Henri-Becquerel, à Rouen (76). Il nous parlera d’une plateforme assez innovante pour l’accès aux informations sur les examens d’imagerie médicale.

T. I. / Quelles sont les spécificités de l’exercice des manipulateurs en médecine nucléaire ?

É. G. / À peu près 3 000 manips, soit 10 % de l’effectif total, travailleraient en médecine nucléaire. Nous avons une certaine spécificité car, en plus de l’aspect technique, réalisation et traitement d’images, nous prenons en charge la préparation des médicaments radiopharmaceutiques. Nous l’apprenons tous en formation initiale mais c’est le seul domaine d’activité du manip où il y a vraiment cette préparation médicamenteuse. C’est donc une vraie compétence. Il y a aussi l’aspect thérapeutique. Si nous faisons en majorité du diagnostic, nous faisons aussi de plus en plus de radiothérapie interne vectorisée. Nous utilisons vraiment le médicament radiopharmaceutique pour faire du ciblage thérapeutique.

T. I. / Des protocoles de coopération sont-ils en développement ?

É. G. / Pour les manips, il existe deux protocoles de coopération nationaux qui sont l’échographie et la pose de PICC line. Ils concernent plutôt nos collègues qui sont sur les plateaux d’imagerie. Depuis quelque temps, il est aussi possible de mettre en place des protocoles de coopération au niveau des établissements. Il y a certainement beaucoup de choses qui se font mais très peu sont connues et partagées. Nous avons donc lancé récemment un sondage en ligne pour essayer de récolter des informations sur ces protocoles locaux. Nos collègues de la radiothérapie on fait la même chose. Avec le Conseil national professionnel des manips, Le but in fine serait de pouvoir dresser une liste de tous les protocoles de coopération qui existent et éventuellement demander aux gens qui les pratiquent de les partager et les diffuser au maximum afin que l’ensemble des services puissent s’en inspirer dans leur domaine d’application.

T. I. / Face au manque de manipulateurs radio, quelles sont les conséquences notamment au niveau de la prise en charge des patients ?

« Si la médecine nucléaire est un peu préservée de la pénurie démographique, elle est quand même touchée. »

É. G. / Même si la médecine nucléaire est un peu préservée de cette pénurie démographique, elle est quand même touchée. Face à cette situation, les services ont trouvé différents modes d’organisation. Certains ont ainsi intégré des préparateurs pour pouvoir libérer des manips des postes de préparation de radiopharmaceutiques et les affecter sur des postes où ils sont indispensables en TEP et en gammacaméra. D’autres, en pleine croissance, ont aussi intégré des infirmiers qui peuvent intervenir sur des postes d’administration des médicaments radiopharmaceutiques – ce qu’on a coutume d’appeler le poste d’injection en médecine nucléaire – ainsi que sur les postes pour les épreuves d’effort comme toutes les scintigraphies myocardiques pour pouvoir assister le cardiologue et injecter le médicament radiopharmaceutique.

T. I. / La médecine nucléaire est-elle prisée par les manipulateurs ?

É. G. / Au niveau de la formation initiale des écoles, c’est une discipline qui a pris plus de place depuis la réforme LMD en 2002, et nous avons revu tous les contenus pédagogiques. Ce qui se fait davantage aussi, c’est la mutualisation de certains manips. Il n’est pas rare de voir des manips qui travaillent entre un plateau d’imagerie et un service de médecine nucléaire. Par ailleurs, de plus en plus de manips n’hésitent pas à changer de domaine d’activité et à passer d’un plateau d’imagerie à un service de médecine nucléaire ou inversement.

T. I. / Existe-t-il une formation supplémentaire pour ces manips ?

É. G. / La seule formation pour laquelle un manipulateur doit se mettre à jour quand il change de domaine, c’est la formation à la radioprotection des patients. Depuis 2017, les guides pédagogiques pour cette formation, obligatoire pour l’exercice de la profession, sont spécifiques à chacun des domaines. Quand on travaille en radiothérapie, on a un contenu pédagogique spécifique et la formation doit être renouvelée tous les 7 ans. En médecine nucléaire, c’est la même chose. Pour un manipulateur qui ferait du scanner en radiologie conventionnelle et de la TEP-TDM en médecine nucléaire, la seule formation sur laquelle il faut se mettre à jour et qui est réglementaire est la protection des patients sur les deux modalités.

T. I. / Comment évoluent les discussions autour des pratiques avancées en médecine nucléaire ?

É. G. / Au sein de l’AFTMN, nous parlons beaucoup des pratiques avancées. En ce moment, nous sommes sur des prises de position avec nos médecins nucléaires pour savoir ce qui serait envisageable. La première étape est le protocole de coopération mais il faudrait ensuite évoluer vers les pratiques avancées avec une formation complémentaire, un master sur 2 ans en pratique avancée comme le font les infirmiers. Avec ces nouveaux métiers, il y aura des vraies délégations de tâches où le métier de manipulateur évoluera et progressera. Dans le cas contraire, nous continuerons certainement à avoir des problèmes démographiques par manque d’attractivité du métier. Aujourd’hui, quand un jeune s’engage dans une filière, il regarde aussi ce qu’il peut éventuellement faire après. Nos collègues de la Société française de médecine nucléaire veulent progresser sur ces pratiques avancées. Les radiothérapeutes aussi sont très motivés sur le sujet. C’est le terrain qui parle et les besoins de terrain sont là. Il faut donc pouvoir y répondre pour les patients et nous espérons faire avancer à notre niveau les pratiques avancées des manipulateurs.

T. I. / Quelles seraient les pratiques avancées possibles ?

« L’administration intra-artérielle des radiopharmaceutiques pourrait être déléguée. »

E. G. / La radiothérapie interne vectorisée est un domaine qui progresse fortement en médecine nucléaire. Il y a donc toute une organisation entre les services de radiologie interventionnelle et les services de médecine nucléaire puisqu’on administre un médicament radiopharmaceutique au bloc opératoire par voie artérielle. Cette administration intra-artérielle n’est pas autorisée aux manipulateurs radio, selon le décret du 5 décembre 2016, mais, typiquement, c’est quelque chose qui pourrait leur être délégué. Autre exemple, dans le cadre du traitement d’images, accompagné ou non de l’intelligence artificielle, il pourrait très bien y avoir une première interprétation par des manipulateurs en pratiques avancées.

Auteurs

Solenn Duplessy

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