Depuis la création de l’article R4351-2-3 du code de la santé publique par le décret n° 2016-1672 du 5 décembre 2016, les protocoles de coopération se multiplient de même que les initiatives de pratiques avancées en radiologie interventionnelle (RI). Parmi les derniers-nés de ces protocoles de coopération locaux, le changement des sondes de néphrostomie et de monoJ est pratiqué depuis janvier 2023 par des manips radio du centre hospitalier (CH) de Valenciennes.
« Notre volume de changements de sondes nous a incités à créer un nouveau protocole »
« Il y a une émulation un peu partout en France à développer le rôle du manip en RI en s’appuyant sur l’article R4351-2-3. Au CH de Valenciennes, nous avons un volume assez conséquent de changements de sondes qui nous a motivé à créer un protocole de coopération local », indique Laetitia Cardinale, MERM au service d’imagerie interventionnelle et cardiovasculaire du CH de Valenciennes et initiatrice du projet. Aguerrie en RI après 17 années d’expérience renforcées par un diplôme universitaire (DU) de cardiologie interventionnelle en 2015 et un DU de radiologie interventionnelle en 2022, Laetitia Cardinale a envisagé le changement des sondes de néphrostomie et de monoJ par des manips radios en 2021, en pleine crise de la Covid.
Libérer du temps pour les radiologues interventionnels
« En raison de la pénurie de radiologues diagnostiques, les radiologues interventionnels de notre service faisaient du diagnostic en plus de la RI, explique-t-elle au début de sa vacation matinale du 4 octobre, entièrement consacrée aux changements des sondes de cinq patients. J’ai proposé de monter un protocole de coopération local pour décharger les radiologues interventionnels des changements de sondes de néphrostomie et de monoJ, qui représentent un volume assez conséquent dans notre service avec une centaine de patients à prendre en charge toutes les 6 semaines. »
Un protocole pionnier soutenu par les radiologues du service
Tout de suite accepté et encouragé par Marc Haberlay, chef du service, le protocole de coopération est ensuite validé par la commission médicale d’établissement du CH de Valenciennes, puis déclaré à l’ARS Hauts-de-France en janvier 2023. Mis en œuvre dès le 11 janvier, il est pour l’instant unique en son genre dans l’Hexagone – et le premier protocole de coopération local concernant les MERM déposé à l’ARS Hauts-de-France.
Cinq MERM expérimentés
Les patients éligibles, choisis par un des quatre radiologues interventionnels délégants du protocole, se voient proposer l’inclusion dans le protocole une fois leur premier remplacement de sonde effectué par un radiologue. En 9 mois, seul un patient éligible a été exclu du protocole pour difficulté opératoire. Ces derniers sont des volontaires ayant bénéficié d’une formation théorique et pratique sur place et justifiant d’au moins trois ans d’expérience en RI. Afin de garantir la pérennité de leurs compétences, ils doivent réaliser au moins 50 changements de sonde par an pour rester dans le protocole.
« On connaît ces patients depuis longtemps »
Ce mercredi 4 octobre, le premier patient du jour arrive dans la salle hybride en brancard à 9h30 accompagné par Julie Kuitkowski, l’infirmière travaillant en binôme avec Laetitia Cardinale sur cette vacation. Ce septuagénaire est particulièrement algique lors de son positionnement sur la table d’opération. Pourtant, la discussion s’établit facilement avec les soignantes, entre plaisanteries informelles et questions médicales sur son état de santé, sa sonde, ses allergies… « On connaît ces patients depuis longtemps, ce qui nous aide à faciliter leur prise en soin », confie la manip valenciennoise.
Laetitia Cardinale (à droite) et Julie Kuitkowski (à gauche) préparent le premier patient de la vacation.© François Mallordy
Une chorégraphie bien rodée entre manip et infirmière
Pendant que Julie Kuitkowski finit de préparer le patient et la table d’opération, Laetitia Cardinale s’habille en stérile, effectue un nettoyage en quatre temps du champ opératoire puis pose son matériel sur la table d’instrumentation : seringues, cathéter guide, nouvelle sonde à poser, bac d’eau, bac de produit de contraste et povidone iodée. Tandis que l’infirmière s’éclipse à la console, la manip radio commence l’intervention sous imagerie en injectant du produit de contraste dans le pyélon par la sonde, afin de vérifier que cette dernière n’est pas bouchée et toujours en place. « Ce protocole repose sur un véritable binôme MERM-infirmière », indique la MERM valenciennoise.
La pyélographie rétrograde indique un bon positionnement de la sonde à remplacer, qui n'est pas bouchée.© François Mallordy
« Le guide est mon fil d’Ariane »
Une fois cette imagerie effectuée, Laetitia Cardinale insère un guide dans la sonde. Pour ce faire, elle se guide de manière parcimonieuse en radioscopie : « J’appuie sur la pédale de scopie uniquement pour affiner mon trajet et ma position », confirme Laetitia Cardinale. « Le guide est mon fil d’Ariane, continue la MERM. Après avoir retiré l’ancienne sonde, j’insère la nouvelle sonde le long du guide jusqu’au pyélon en contrôlant par scopie, je retire le rigidificateur de la queue de cochon puis je vérifie le positionnement de la nouvelle sonde en injectant du produit de contraste. »
L'intervention est contrôlée en temps réel sur écran grâce à une scopie à cadence automatisée.© François Mallordy
30 minutes de prise en charge
Le premier changement de sonde est très rapide : en 28 minutes, depuis l’arrivée en salle du patient, Laetitia Cardinale n’utilise que 25 secondes de scopie pour une dose de 0,97 mGy. « En moyenne, la prise en charge dure 20 à 30 minutes par sonde, dont 5 à 10 minutes pour le remplacement proprement dit et 10 à 15 minutes pour les pansements », complète la MERM valenciennoise.
Remplir le pré-compte rendu
Une fois le remplacement effectué, Laetitia Cardinale relaie Julie Kuitkowski à la console tandis que cette dernière remplace les pansements du patient. La MERM remplit de son côté un pré-compte rendu rédigé par le radiologue délégant avec l’identité du patient et le nom du médecin délégant, qui doit être présent sur place dans une autre salle du service. Enfin, Julie Kuitkowski raccompagne le patient et apporte le pré-compte rendu à signer au radiologue délégant tandis que Laetitia Cardinale prépare la salle pour le prochain arrivant.
Laetitia Cardinale désinfecte la table d'opération et prépare la salle hybride pour le deuxième patient.© François Mallordy
« Ce protocole est aussi sécurisé et efficace pour le patient que l’intervention du radiologue »
À 13h01, la dernière patiente de la vacation sort de la salle sur son brancard : en 3h30, Laetitia Cardinale a changé huit sondes pour cinq patients. Des chiffres qui viennent s’ajouter aux 135 changements déjà effectués sur 70 patients lors des 9 premiers mois de mise en œuvre du protocole. « Sur cette période, nous avons dû faire appel 9 fois au radiologue pour qu’il prenne le relai, et c’était à chaque fois justifié, indique Laetitia Cardinale. D’après nos premières données, notre protocole est aussi sécurisé et efficace pour le patient que l’intervention du radiologue, et les patients en sont globalement satisfaits. »
« Le développement de protocoles de coopération améliore la prise en charge du patient »
Ces résultats préliminaires sont cohérents avec un article [1] paru en 2019 dans la revue Radiography, qui relate la délégation réussie du remplacement des sondes de néphrostomie aux manipulateurs outre-Manche. Les auteurs de cette étude monocentrique avaient alors noté une procédure significativement plus rapide (p-value = 0,022) sans augmentation des risques. « Le développement de protocoles de coopération entre MERM et radiologues améliore la prise en soin du patient et rend notre métier plus attractif », conclut Laetitia Cardinale.
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