Peu fréquentes, les réactions secondaires immédiates aux produits de contraste peuvent toutefois mener parfois à une anaphylaxie. Anciennement appelé choc anaphylactique, l’anaphylaxie est une réaction allergique clinique mettant en jeu le pronostic vital du patient et répertoriée dans le grade III de la classification de Ring et Messmer, comme l’expliquent Marion Carlot et Adelisa Sejdic, manipulatrices radio du centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims (51). Les deux collègues ont réalisé une présentation sur la prise en charge des réactions aux produits de contraste (PDC), le 25 janvier dernier, lors des 11èmes Journées francophones de scanner, organisées par l’Association française du personnel paramédical d’électroradiologie (AFPPE).
Classer la gravité de la réaction
« Pour identifier une réaction au PDC, on s’appuie sur plusieurs indicateurs : les signes cutanés, les troubles respiratoires, la baisse de la tension, ou également le pouls », commencent-elles par expliquer. Ensuite, la classification de Ring et Messmer permet de classer les réactions aux PDC en quatre grades (voir tableau 1). Si les réactions de grades I et II, surtout des réactions d’hypersensibilité non allergiques, sont gérables par l’équipe d’imagerie, des prélèvements pour déterminer l’origine de la réaction doivent être réalisés à partir du grade II, et les réactions de grades III et IV nécessitent une prise en charge spécifique et l’intervention d’une équipe de réanimation, indiquent les deux manipulatrices radio.
Grade | Symptômes |
I | Signes cutanéo-muqueux. Érythème étendu, urticaire localisée ou étendue, avec ou sans angioedème. |
II | Atteinte multiviscérale modérée. Signes cutanéo-muqueux, hypotension artérielle, tachycardie, toux, dyspnée, sibilants, signes digestifs (nausées , vomissements, diarrhée…). |
III | Atteinte mono ou multiviscérale grave. Collapsus cardio-vasculaire, tachycardie, troubles du rythme cardiaque, bronchospasme, signes digestifs. |
Formes particulièrement graves. Les signes cutanéo-muqueux peuvent être initialement absents et apparaître au moment de la restauration hémodynamique ; une bradycardie peut être observée. | |
IV | Arrêt cardiaque. |
Injection d’adrénaline…
Face aux symptômes caractéristiques d’une anaphylaxie, les manipulateurs radio doivent alerter et appeler soit le SAMU, soit le numéro prioritaire de leur établissement de santé. Puis le plus vite possible, les MERM doivent appliquer des premiers gestes, qu’ont rappelé les deux manips rémoises. « Le premier geste à avoir en cas de choc anaphylactique c’est l’injection d’adrénaline en intramusculaire », rappellent-elles. La concentration dépend du patient : pour un patient adulte, on parle d’une injection de 0,5 mg d’adrénaline en intramusculaire (IM), ou de 300 µg à 500 µg avec un stylo auto-injecteur d’adrénaline (AIA). Pour un patient pédiatrique (7,5 kg à 25 kg), on injecte de 0,15 mg d’adrénaline en IM, ou 150 µg avec AIA. Enfin, pour un patient pédiatrique au-delà de 30 kg, on privilégie 0,3 mg d’adrénaline en IM, ou 300 µg avec AIA.
… puis autres premiers gestes
Si la tension du patient en anaphylaxie est basse (PAS ≤ 90 mmHg) ou diminue, « il faut penser à surélever les jambes » et vérifier que les voies aériennes sont bien dégagées. « Il faut oxygéner le patient et adapter le débit d’O2 en fonction de la saturation en oxygène », notent les MERM. Il faut également vérifier le rythme cardiaque a posteriori, pour éventuellement repérer des arythmies : mais il n’est pas impératif de faire cette vérification avant l’injection d’adrénaline, prioritaire sur la vérification de la fréquence cardiaque. Enfin, « on peut commencer à mettre en place une perfusion, avec du NaCl à 0,9 % » (30mL/kg), une solution isotonique qui va permettre de faire augmenter la tension. L’injection intraveineuse lente d’antihistaminique de type H1 permet d’éviter l’hypotension, et de réduire immédiatement l’érythème et surtout l’angioœdème. Enfin, des corticoïdes permettent de limiter « l’effet rebond dû à la réaction inflammatoire causée par l’anaphylaxie ».
Un phase de surveillance…
Une fois le patient anaphylactique stabilisé commence une phase de surveillance de 12h à 24h, durant laquelle seront menés les premiers prélèvements visant à identifier la cause de la crise. Cette phase de surveillance est aussi celle de l’enregistrement de l’évènement : « Il va falloir noter dans son dossier aussi bien que dans son compte-rendu ce qu’il s’est passé pour qu’il ait un suivi aussi bien intra que interhospitalier », précisent les oratrices. L’évènement doit être noté dans le carnet de santé des enfants.
… et de consignement
Il faut bien tout consigner, comme le détaille une diapositive des intervenantes : nom des facteurs déclenchants suspectés (le produit de contraste incriminé, mais aussi l’inventaire des autres expositions médicamenteuses), diagnostic posé, éléments cliniques et de gravité de l’anaphylaxie, éléments et examens complémentaires réalisés, prélèvements prescrits à ce jour pour déterminer s’il s’agit d’une allergie avérée au PDC, ou d’une hypersensibilité non-immunologique (prélèvements sanguins et tests cutanés). Idéalement, il faut déclarer tout effet indésirable suspecté lié aux PDC au centre régional de pharmacovigilance ou sur www.signalement.social-sante.gouv.fr, indique l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dans une page web concernant les risques de réactions d’hypersensibilité immédiate aux produits de contraste.
Prélèvements sanguins
Concernant les prélèvements pour différencier réaction allergique et hypersensibilité non-allergique, à partir du grade II, un premier prélèvement sanguin doit être réalisé au minimum 30 minutes après le déclenchement des symptômes. « Le délai est très important à respecter, car sinon ça peut créer des faux négatifs, avertissent-elles. Il faut bien faire le prélèvement sur le bras opposé de l’injection du produit de contraste, prélever dans un tube sec de couleur rouge, et bien horodater les prélèvements sur les étiquettes, détaillent-elles. Par la suite, il faudra faire remplir le bon immunologique ainsi que l’ordonnance des tests allergologiques par le radiologue ou l’interne. Pour un patient externe, il faut faire le second prélèvement une à deux heures après le premier prélèvement déjà réalisé, alors que pour un patient hospitalisé il faut appeler le service et leur donner les consignes pour le second prélèvement. » Pour finir, il faut organiser le transport des prélèvements au laboratoire.
Le taux de tryptase sérique pour avérer l’allergie
Selon les nouvelles recommandations à paraître, les prélèvements sanguins devraient concerner la tryptase sérique, pour suivre l’évolution des médiateurs cellulaires et avérer une allergie, ainsi que parfois les immunoglobulines E (IgE) spécifiques, en cas « d’injection de médicament lors du scanner, ou si le patient a été en contact avec le latex ou la chlorhexidine », précisent les deux manips. Anciennement utilisé, l’histamine plasmatique ne devrait plus être essentielle, car « moins spécifique, contraignante à prélever et conserver, et non remboursée par la sécurité sociale ».
Cas particuliers et prélèvement tardif
S’il n’y a pas de réaction allergique, donc dans le cadre d’une hypersensibilité non immunologique, il n’y a pas de modification majeure de la tryptase aigue, complètent les congressistes. Ce taux ne peut pas être calculé dans tous les cas, par exemple chez la femme enceinte de plus de 20 semaines d’aménorrhées, ou chez un patient qui est sous traitement d’héparine. Un dernier prélèvement après les deux premiers doit se faire au moins 24 heures après l’apparition des symptômes, généralement couplé avec les tests cutanés, pour renseigner le taux de tryptase basal.
Tests cutanés allergologiques
Réalisables au minimum quatre jours post-réaction, les tests cutanés sont des tests allergologiques réalisés avec du PDC dilué (à réitérer en cas de négativité après quatre semaines, et six mois post-réaction maximum). Les tests sanguins et cutanés permettent d’identifier le type de réaction au PDC. En cas d’allergie avérée, « la prémédication n’est pas pertinente car elle n’empêche pas les réactions allergiques graves, et la seule chose à faire est l’éviction du PDC concerné », concluent les manips.
Optimiser la prise en charge future du patient
À l’inverse, s’il s’agit d’une hypersensibilité non-allergique, « majoritairement de grade I ou II et qui peut être due à l’effet pharmacologique d’un médicament », la prémédication peut être envisagée dans ce cas afin de prévenir les érythèmes et l’urticaire, tandis qu’on peut « privilégier les PDC non ioniques, qui ont une osmolarité plus proche de celle du sang, ce qui va permettre de limiter les effets sur l’organisme ». Ainsi, une bonne gestion des prélèvements et tests cutanés permet de « conclure sur le type de réaction et d’adapter la procédure pour le patient par la suite, afin de sécuriser et d’optimiser ces examens scanographiques à nouveau », concluent les intervenantes.
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